N° 004 du 1er décembre 2024

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Taylor Toeka Kakala

Directeur et éditorialiste

Publié le : 17 juin 2024

Lecture : 4 minutes

Bukavu, ville meurtrie par les flammes

Alors que le feu s’étendait, une vingtaine de maisons partaient en fumée à Nyamugo dans la soirée, suivies d’une trentaine d’autres à Nkafu quelques heures plus tard. Et comme toujours : bilan lourd en dégâts matériels, avec des centaines de sinistrés sans abris.

Les éternelles questions sur la prévention des incendies et la sécurité des habitations ont été posées avec acuité

Les éternelles questions sur la prévention des incendies et la sécurité des habitations ont été posées avec acuité

Taylor Toeka Kakala

Directeur et éditorialiste

Publié le : 17 juin 2024

Lecture : 4 minutes

Soudain, le feu a pris dans une maison avant de se propager rapidement aux habitations voisines. Selon les témoins, les flammes ont englouti plusieurs maisons en l’espace de quelques heures, laissant derrière elle un paysage de désolation. Les causes du sinistre ne sont pas encore établies, mais les autorités locales évoquent la piste d’un court-circuit électrique. Quelques heures plus tard, c’est encore un autre quartier de la commune de Kadutu, au centre de Bukavu, dans l’est de la RDC, qui a été touché par un nouvel incendie. Là aussi, les investigations sont en cours pour déterminer l’origine du sinistre. Mais à Nyamugo comme à Nkafu, les habitants, mobilisés en urgence, ont mis plusieurs heures avant de maîtriser les incendies.

Au total, ces deux catastrophes ont fait d’importants dégâts matériels, ce 9 juin, avec de nombreuses habitations complètement détruites. Parmi les victimes, on déplore la perte de quatre membres d’une même famille : une mère et ses trois enfants. Leurs corps calcinés ont été retrouvés dans les décombres de leur maison. Une tragédie qui a plongé les habitants de Nkafu dans un immense chagrin.  

Non-respect des normes d’électrification

Mais alors que le feu plongeait la capitale du Sud-Kivu dans une profonde tristesse, certains habitants ont commencé à se relever de ces épreuves, et des éternelles questions sur la prévention des incendies et la sécurité des habitations ont été posées avec acuité. Selon Hippocrate Marume, membre de la société du Sud-Kivu, les causes possibles de ces incendies récurrents dans les différents quartiers incluent les constructions anarchiques et le non-respect des normes de raccordement électrique. En fait, la ville de deux millions d’habitants est construite sur un flanc de collines autour du lac Kivu, où des maisons sont en général construites sur des terrains escarpés et instables. Ce qui rend les tracés de routes difficiles et coûteux.

De plus, les autorités ont historiquement négligé les normes urbanistiques sur ces terrains et n’ont pas investi là-dessus. Car ici, l’un des principaux moyens d’accès à une maison reste des escaliers étroits. Dans des quartiers aisés, on monte ou on descend les marches pour se diriger vers les bâtiments résidentiels modernes de plusieurs étages. Et quant aux quartiers populeux, aucune rue n’est vraiment digne d’être appelée comme telle pour séparer des maisons vues de loin comme superposées les unes sur les autres. Or, la ville connait des cas d’incendies des maisons répétitifs. C’est surtout dans ces quartiers populeux que le feu part toujours d’une maison et se répand sur plusieurs autres, avant de toucher ce qu’on peut appeler d’autres avenues.

Et même des constructions coloniales servant des bureaux administratifs n’échappent pas aux incendies. Cas de figure : les flammes qui avaient ravagé l’hôtel de Poste en 2021 – d’ailleurs les deuxièmes de cette envergure après celles que la ville avait subi dix ans auparavant – dans ce gigantesque bâtiment qui, à part la Poste, abritait aussi, selon la mairie, plusieurs services, dont 103 cabinets d’avocats, 85 secrétariats publics, 32 centres de formation professionnelle, 25 restaurants, 17 studios de musique, 12 chaines de radio et/ou de télévision, 5 garages d’automobiles, 3 cabinets ministériels du gouvernement local et un bureau de la commission électorale.

L’insécurité à la barre

Mais Jean-Pierre Mizinzi attribue la multiplicité des incendies à l’exode des populations déplacées qui cherchent refuge dans la ville face à l’avancée des groupes armés dans leurs villages. Pour le bourgmestre de Kadutu, "la proximité et la pauvreté les empêchent de choisir des matériaux durables pour leurs habitations." Mais si la paix revenait dans la région, ajoute-t-il, les incendies diminueraient probablement à Bukavu. Et Jean-Pierre Basedeke souligne que la population de Bukavu a doublé, voire triplé, alors que la taille de la ville est restée la même qu’à l’époque coloniale. Pour prévenir de tels drames, l’architecte recommande la création de nouveaux espaces et le respect de tailles parcellaires pour éviter la propagation de feu.

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Nonobstant ces tergiversations et le non-assistant de l’Etat pour des centaines de sinistrés, il existe quand même des organisations locales qui s’efforcent d’aider les victimes des incendies à Bukavu. L’une d’elles est "Initiatives Grâce Ngabo". Au-delà de nombreuses assistances caritatives et des messages de soutien, par sa présidente, envers les victimes de différents incendies, l’organisation mène des activités visant à relever les défis posés par les incendies récurrents dans la ville. Son objectif est de sensibiliser et de former pour réduire les risques d’incendie.   

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